https://www.golias-editions.fr/2021/11/12/au-plus-offrant-monasteres-a-vendre/
Au plus offrant Monastères à vendre
Les 16 et 17 décembre 2021, un colloque sur le devenir des biens immobiliers des communautés religieuses doit se tenir au collège des Bernardins à Paris. L’intervention de José Rodriguez Carballo, secrétaire de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, et de l’abbé émérite d’En Calcat, Dom David d’Hamonville, était annoncée par un courrier en date du 22 juillet. Il était signé par les deux organisateurs : la Conférence des religieux et religieuses de France et la Fondation des monastères, respectivement présidées par Sœur Véronique Margron et Dom Guillaume Jedrezejckac. Dès lors, des questions se posent sur la personnalité sulfureuse du « monseigneur romain » chargé des transactions immobilières et sur le drame humain lié à un détournement de patrimoine.
A la suite de plusieurs tentatives de spoliation de monastères, ce colloque du collège des Bernardins, qui touche aux biens immobiliers des couvents, nous interpelle. Quel est son but ? Déjà, en 2016, sans avoir été ni consultées ni informées, les sœurs dominicaines contemplatives de Lourdes apprenaient, par un article de La Croix, que leur couvent allait être fermé. Décision prise à la demande de l’évêque de Tarbes et Lourdes en sa responsabilité de vigilance auprès des communautés religieuses de son diocèse. Nicolas Brouwet avait annoncé que « la Congrégation romaine pour les instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique avait nommé, à sa demande, un commissaire apostolique » chargé d’organiser ce départ. Le décret de nomination de ce commissaire était signé par José Rodriguez Carballo. Connues et appréciées dans la cité mariale, les moniales dominicaines recevaient l’appui d’un comité de soutien pour « s’opposer à la dilapidation des biens immobiliers » qui, selon le droit de notre pays, est propriété desdites religieuses.
Les moniales, éternelles mineures
Récemment, le vicaire du diocèse de Carcassonne-Narbonne annonçait, à la fin de la messe dominicale à Castelnaudary, que le monastère chaurien des Clarisses allait fermer. C’était aussitôt une levée de boucliers de la population mettant dans l’embarras l’évêque diocésain dans l’embarras qui en était à l’origine. Le nom de Carballo apparaît là aussidans la tentative de spoliation de ce couvent dont les sœurs sont propriétaires. Malheureusement, bien d’autres convents de sœurs dociles, abandonnant leurs biens « par obéissance », ont fermé. Après des années de fidélité à leur vocation, de vie fraternelle et de prière, elles sont douloureusement dispersées dans d’autres couvents, certaines en Ehpad.
Ces tentatives de spoliation s’appuient sur un document romain publié le 15 mai 2018 : « Cor Orans », instruction d’application de la constitution apostolique « Vultum Dei quaerere » sur la vie contemplative féminine. Dès octobre 2019, Golias Hebdo, dans son numéro 594, avait tiré la sonnette d’alarme en dénonçant cette publication Le texte pontifical est analysé dans ses moindres détails et apporte un éclairage précis sur le but recherché par la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique. « Seules les moniales reçoivent des directives du Saint-Siège sur la façon de gérer leur vie en matière de gouvernement, de formation, de recrutement, d’autonomie, etc. Les moines s’autogèrent et définissent leurs propres lois. C’est un reflet du statut de mineure qui, jusqu’à un passé récent, était celui de la femme. Force est de constater que l’Eglise na pas suivi l’évolution de la société en ce domaine. »
« Le troupeau du Christ »
Les moniales ont toujours eu droit, dans l’Eglise, à un traitement de faveur. Aujourd’hui, cette « part choisie du troupeau du Christ » fait l’objet d’attentions particulières et ciblées de la Congrégation pour la Vie Consacrée, et cette chasse à l’immobilier dure depuis des dizaines d’années. Périodiquement, un document est écrit pour ces femmes, par des ecclésiastiques (bien sûr tous des hommes) confortablement assis dans un bureau du Vatican. Ils n’ont aucune expérience de leur vie, et pour tout dire ce ne sont que des femmes… Il faut leur dire ce qu’elles doivent faire, sans se soucier de savoir si cela correspond à leur vocation profonde. Nous pouvons constater que les moines n’ont jamais de document romain qui leur tombe dessus : étant des hommes, ils savent comment se gérer et comment administrer leurs biens. Personne ne parle d’éradiquer de la carte de la vie religieuse les monastères masculins : ils possèdent pourtant des abbayes encore plus somptueuses que les monastères de moniales. Leur cession ne renflouerait-elle pas les caisses de l’Eglise ? Pourquoi s’acharner sur les moniales, alors qu’il fut un temps où une moniale âgée était considérée comme ayant acquis de l’expérience spirituelle. Actuellement, le profit piétine tout cela. Il est urgent de parquer ces femmes en Ehpad et de s’approprier leurs biens indûment, du moins en Frances. Peu importe la dimension spirituelle. Et la parité chère au droit français, que devient-elle dans cette affaire ?
Le scandale de la pédophilie étalé au grand jour par la CIASE occulte une atteinte aussi grave des droits de l’homme, à l’égard des moniales âgées. Comment se fait-il qu’aucun évêque n’ait réagi à la sortie de Cor Orans, le dernier document du préfet de la Congrégation pour les instituts de vie Consacrée et les sociétés de vie apostolique, qui plus est approuvé par le pape ? Mieux vaut sans doute pour eux, se taire et couvrir des malversations immobilières dont ils peuvent tirer profit… A quand une commission Sauvé pour les moniales en danger ?
Responsabilité des évêques diocésains
Contrairement à ce que certains d’entre eux l’affirment, il appartient à l’évêque diocésain de proposer à la Congrégation ad hoc la fermeture de tel ou tel monastère féminin, souvent en fonction de la valeur matérielle de l’ensemble immobilier. Cette faculté est également accordée aux supérieurs réguliers.
Récemment, après la publication du rapport Sauvé sur les abus sexuels au sein de l’Église catholique, l’archevêque de Reims déclarait que le secret de la confession était « plus fort que les lois de la République ». Propos qui ont choqué, à juste titre, au plus haut niveau de l’Etat français. Le président de la CEF, Eric de Moulins-Beaufort, ne devrait pas ignorer qu’en France, il n’existe rien « rien de plus fort que les lois de la République » comme devait le préciser le porte-parole du gouvernement. Le même acharnement à vouloir bafouer les lois de la République se retrouve dans la volonté de mettre en application sur notre sol le texte papal Cor Orans.
La face cachée du monsignore romain
Paru le 19 décembre 2014 dans le magazine italien Ricognizioni, un article devrait mettre en garde : « Le secrétaire de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, Mgr José Rodriguez Carballo, a été impliqué dans le maxi scandale qui secoue depuis septembre l’ordre des Frères Mineurs, en tant que ministre général à l’époque des faits. L’affaire a éclaté après la décision du parquet suisse de saisir des dizaines de millions d’euros, des dépôts, semble-t-il, investis par l’ordre dans des sociétés qui ont fait l’objet d’une enquête pour trafic illicite d’armes et de drogues. » Au moment où les faits se sont déroulés, José Rodriguez Carballo, 61 ans, était le prédécesseur du Père Perry (à partir de 2013) à la tête des Frères Mineurs, qui, dans une lettre à ses frères, avait révélé que le scandale qui touchait l’ordre franciscain, mis à genoux financièrement par le détournement de dizaines de millions d’euros. Ministre général de l’ordre des Frères mineurs entre 2003 et 2013 (avant d’être nommé par le pape François secrétaire de la Congrégation pour les instituts de vie consacrés et les sociétés de vie apostolique), José Rodriguez Carballo investissait l’argent de l’ordre des Frères mineurs dans des sociétés offshore en Suisse qui, à leur tour, étaient impliquées dans des trafics d’armes, de drogue, et le blanchiment d’argent. Quotidien suisse basé à Lugano et publié en italien, Il Giornale del Popolo titrait le 25 novembre 2015 : « L’ordre franciscain arnaqué de 20 millions de francs ». Quelques détails qui auront échappé aux organisateurs du colloque du collège des Bernardins.
Mais quel rôle est attribué à l’abbé émérite d’En Calcat (Tarn), Dom David d’Hamonville, orateur annoncé au colloque, également à la tête de l’abbaye Saint-Benoît d’En Calcat qui est dotée d’une importante hôtellerie (10 000 hôtes par an). Elle gère en outre une librairie et une maison d’édition, Siloé, et propose de nombreuses activités. Dans son intervention, ce religieux parlera-t-il des tapisseries de Dom Robert et de leur estimation ?
Le Vatican semble ignorer la séparation des Eglises et de l’Etat
Par lettre circulaire en date du 2 août 2014, le Symposium de mars 2014 à Rome réaffirmait que les biens des instituts de vie consacrée et des sociétés de vie apostolique sont des « biens ecclésiastiques » » José Rodriguez Carballo était signataire des nouvelles « Lignes directrices » pour l’administration des biens des ordres religieux, avec le cardinal Joao Braz de Aviz, préfet de la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les société de vie apostolique. Selon les signataires, le témoignage évangélique exige que les œuvres soient gérées en toute transparence, dans le respect des lois canoniques et civiles, et mises au service des nombreuses formes de pauvreté. Le dicastère, en pleine fidélité aux directives et aux orientations du pape François, « est heureux d’offrir ce service, dans la certitude que, en vivant évangéliquement la dimension économique, les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique pourront retrouver un nouvel élan apostolique pour poursuivre leur mission dans le monde ».
D’après le Vatican, le droit canonique a élaboré des règles de gestion des biens ecclésiastiques en lien avec sa mission, règles que tout gestionnaire de ces biens est tenu de respecter. S’il est vrai que dans le monde, certains dirigeants n’hésitent pas à donner force de loi au droit canonique, qui de ce fait, prime sur le droit du pays concerné, tel n’est pas le cas en France. Rappelons, à ceux qui semblent ignorer la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Eglises et de l’Etat, que le fonctionnement administratif des monastères est soumis à la loi de notre pays.
Quel est le rôle de la présidente de la CORREF ?
Pourquoi cette éminente théologienne accorde-t-elle son aide à la destruction pure et simple des monastères de vie contemplative et des communautés religieuses traditionnelles ? Pourquoi se porte-t-elle caution, en organisant un colloque et en y invitant un prélat au passé douteux ? Il y a de quoi y perdre son latin. A moins que l’argent récolté en spoliant les moniales ne serve à indemniser les victimes de pédophilie ? François Lagrasse – Pour aller plus loin : 594. Golias Hebdo n° 594 (Fichier PDF)